A l’ occasion de la sortie de son nouveau topo « 5+6 », recensant les blocs dans le 5ème et 6ème degré sur les secteurs les plus proches de Fontainebleau, nous sommes partis à rencontre de Bart van Raaij, éditeur du fameux topo « 7+8 ». Beaucoup de bleausards décrivent « 7+8″ comme le meilleur topo de bloc pour les blocs de 7ème et 8ème degré en forêt. Design épuré, très complet et actualisé à chaque réédition, croquis d’accès et plan de secteurs rigoureusement bien dessinés, descriptif des blocs très pratique,… »7+8 » s’est imposé comme un des ouvrages référence de tout bleausard. Alors, soit, Bart n’est pas forcément un local pur souche né à Milly et faisant ses repas de famille en pique nique à Isatis, mais c’est véritablement mordu d’escalade et amoureux de la forêt. Et le néerlandais n’a pas sa langue sa poche…
ZeBloc : Peux-tu rapidement te présenter?
Bart Van Raaj : Je m’appelle Bart Van Raaj, j’ai 43 ans, je partage ma vie avec Irma et on a deux enfants. J’ai commencé l’escalade sportive en 1986 mais depuis 9 ans je préfère le bloc. Il n’ y malheureusement pas de spot naturel en Hollande donc je grimpe sur de la résine, sur un mur que j’ai conçu pour un parc de Rotterdam, où j’habite. Je grimpe aussi beaucoup a l’étranger sur du vrai caillou.
Je suis graphiste et éditeur : j’édite, conçoit et produit le magasine hollandais BLOK et j’ai écrit 3 topos sur Fontainebleau
ZeBloc : De quand date ta première visite à Bleau? Çà a été une révélation?
Bart Van Raaj : Ma première visite a Fontainebleau date de 1988. Je ne connaissais rien au bloc. Il faisait super chaud, ca glissait et ma technique était vraiment pourrie. J’ai détesté. Je suis revenu un an plus tard et c’était la même chose.
Ce n’est que 3 ans plus tard que j’ai commencé à aimer… Cette fois ci c’était en hiver! J’ai fait mon premier 7a durant ce trip. Ma neuvième visite, en mars 1998, fut celle de la révélation. J’ai réussi l’Aérodynamite et çà m’a convaincu que j’étais capable de grimper les classiques, des blocs durs que je regardais de loin jusque là. Ce bloc, j’en avais rêvé depuis des années. Je n’avais jamais ressenti une telle chose en falaise.
J’ai commencé a connaître la foret, comprendre comment bouger sur des non prises. Faire du bloc m’a donné plus de satisfaction que faire des voies dont je pouvais faire les mouvements et ou la difficulté résidait dans leur enchaînement.
ZeBloc : Tu as édité la première version de « 7+8 » il y a déjà quelques années. Quelles étaient tes motivations?
Bart Van Raaj : Mon boulot c’est faire des bouquins. Récupérer des données, faire de la photo, de la typographie, être dehors, faire des cartes, grimper, communiquer aux gens toutes les choses qui m’intéressent. Si quelque chose m’intéresse, je veux tout savoir dessus.
J’ai commencé a récupérer des infos sur les blocs dans le niveau 7 et 8 par intérêt personnel. J’en ai fait une liste et des gens on commencé a être intéressés par ma liste. Jos Leenen, le premier hollandais bleausard, m’a demandé s’il pouvait la publier sur diretissima.com et c’était le démarrage du site bleau.info.
Avec des amis, on a eu l’idée d’en faire un topo et j’ai commencé à faire des illustrations. En 2002 j’ai publié mon premier topo de Bleau. Je n’avais qu’un objectif; faire mon propre bouquin, un bouquin sur les choses que j’aime faire.
ZeBloc : Que penses-tu des autres topos bleausards?
Bart Van Raaj : Je possède 22 topos différents de Bleau et j’achète chaque topo qui sort. J’aimerais même acheter des copies de vieux topos, si j’en trouve. Certains de mes topos sont complètement détruits à force de les utiliser, certains n’ont jamais quitté l’étagère. En tant que typographe et designer, je suis très critique en ce qui concerne les topos. La plupart d’entre eux ne sont pas terribles d’un point de vue professionnel. Mais j’en aime quand même la majorité pour l’information qu’ils contiennent et parce que la plupart d’entre eux sont faits par des locaux qui aiment la forêt, et cela se voit. Ma copine préfère ceux du COSIROC car ils ont très complets, et , pour ma part, celui de l’anglais Stephen Gough est celui que j’ai le plus utilisé. D’un point de vus professionnalisme, je trouve que le topo allemand Bleau en Bloc est très bien fait mais je ne l’ai jamais utilisé en forêt. En général, je préfère les topos qui sont clairs et faciles à utiliser, l’accés à l’information étant plus important qu’un design sympa.
ZeBloc : Comment décrirais-tu l’esprit de « 7+8 »?
Bart Van Raaj : Juste de l’information. Pas de fioritures. J’essaie d’être aussi clair que possible. Facile à utiliser et comprendre. Intemporel.
ZeBloc : Comment collectes-tu toute l’information nécessaire à la rédaction d’un topo?
Bart Van Raaj : Tout d’abord, je prends toutes les infos que je peux trouver dans des topos, des magazines, des sites web, des vidéos, des cartes, sur bleau.info, en discutant avec des grimpeurs… Chaque semaine, je mets à jour le topo sur mon ordinateur et j’emporte systématiquement mon carnet lorsque je parcours la forêt. Si je tombe sur un bloc que je ne connais pas, je commence à chercher de l’info, je demande à droite à gauche, j’envoie des mails, je l’essaie moi-même, je demande à d’autres d’essayer… La plupart des blocs apparaissent un jour ou l’autre, dans un topo, sur 8a.nu, en video, sur bleau.info. Mais, parfois, je ne trouve pas d’infos.
ZeBloc : Comment expliques-tu le succès de « 7+8 »?
Bart Van Raaj : Je pense que le plus important, ce sont les cartes détaillées et les topos. J’essaie d’être aussi précis que nécessaire et j’essaie systématiquement de me mettre à la place de celui qui n’a jamais mis les pieds à cet endroit. Comment puis-je l’aider à trouver et comprendre les blocs que je décris ? Je vérifie tout ! Bien entendu, mes topos peuvent contenir des erreurs, mais je fais de mon mieux pour les limiter. Je fais des choses simples, des traits et des numéros, c’est tout ce qui est nécessaire. Je pense que les informations supplémentaires comme « flèche noire », « départ bas », « sortir avec la fissure » sont utiles également. Je pense que la qualité est dans le détail, et j’essaie donc d’incorporer chaque détail important et d’oublier le reste.
ZeBloc : Quand as-tu commencer à bosser sur le « 5+6 »?
Bart Van Raaj : J’ai commence à travailler sur le “5+6” en juillet 2010.
Je suis parti seul à Bleau pour une semaine et j’ai bossé tous les jours. J’ai terminé six secteurs cette semaine-là. Je me souviens des fougères, des tiques, de la chaleur, de la sueur, de mes doutes quant au bon déroulement de mon projet, et d’un tout petit peu de grimpe. Je me sentais très seul. J’étais dans le gîte d’un petit village et j’étais seul la plupart du temps. Je bossais chaque matin de 8h à midi, j’allais déjeuner dans un bar pour voir un peu de monde, je re-bossais de 13h à 15h, et je grimpais un peu jusqu’à ce que j’aie faim. Puis je dinais et me remettais au boulot devant mon ordinateur jusqu’à ce que je soies trop crevé.
Après cet été-là, je n’ai plus beaucoup bossé sur le topo. Puis, en octobre et novembre, j’étais à nouveau motivé pour redescendre à Bleau et j’ai fait beaucoup de classiques que j’avais toujours voulu faire.
Cà m’a remotivé et, en janvier, j’ai passé ma deuxième semaine seul dans la forêt pour bosser sur le « 5+6 ». C’était le début d’un travail quotidien sur le topo et je suis allé plus de 25 fois à Bleau pour le terminer.
ZeBloc : A part le fait qu’ils concernent des cotations différentes, quelles sont les différences entre le « 5+6 » et le « 7+8 »?
Bart Van Raaj : La différence marquante entre “7+8” et “5+6” est l’utilisation de la couleur. Je voulais en effet inclure les circuits dans le topo et la meilleure façon de le faire était d’utiliser leurs propres couleurs. Je voulais aussi faire quelque chose de nouveau tout en restant dans le même style. La forêt contenant tellement de 5 et de 6, j’ai du diviser le « 5+6 » en deux parties. Le topo actuel contient les secteurs du centre et du Sud de la forêt, et il a déjà plus de pages que le « 7+8 » qui,lui, présente tous les secteurs. Il ne restait donc pas trop de place pour les photos, presque chaque page étant remplie de blocs. J’avais à faire un choix : plus de pages et donc un topo plus cher et plus lourd, ou moins de photos. J’ai donc fait le choix d’un topo plus léger et moins cher. Le papier utilisé éco-responsable, et c’est aussi le cas pour la couverture qui ne contient pas de plastique.
ZeBloc : Proposer une cotation à Bleau est souvent difficile. Comment t’y prends-tu pour proposer des cotations appropriées dans tes topos?
Bart Van Raaj : C’est toujours difficile de coter. Le mieux est de collecter le plus grand nombre d’avis possibles. Je ne veux pas sur coter mais je veux tout de même être réaliste. J’ai décoté pas mal de passages dans mes topos mais les gens oublient que j’en ai sur coté plein d’autres. Coter est un acte très personnel. Les gens se croient attaqués si tu décotes leur meilleure performance, d’autres disent que tu ne peux pas toucher à la cotation d’un bloc classique. J’essaie d’être le plus objectif possible. J’ai demandé aux gens quels étaient les passages qui devaient être sur cotés et presque tous m’ont répondu que la Marie Rose devait passer à 6b. Ce bloc est coté 6a+ dans mon topo et certains grimpeurs ne l’acceptent pas. Pour eux, la Marie Rose est un 6a classique auquel je ne devrais pas toucher. J’utilise beaucoup les opinions données sur Bleau.info, et je regarde aussi les cotations données dans les autres topos. Et, bien entendu, j’utilise aussi mon expérience et celle de mes amis. Et si malgré tout je doute, je l’indique dans le topo en proposant une cotation alternative.
ZeBloc : Quelle est ton opinion sur la diffusion d’infos concernant des secteurs sensibles comme le Coquibus?
Bart Van Raaj : J’ai intégré le Coquibus dans mon premier “7+8” sans savoir qu’il existait un accord visant à ne rien publier sur ce secteur. Si la situation n’évolue pas dans un futur proche, le Coquibus ne sera pas mentionné dans mon futur « 5+6 » sur les secteurs Ouest et Nord. Pour la prochaine édition du « 7+8 », j’ai également décidé de ne pas inclure les nouveaux secteurs du Coquibus. Je me pose par contre des questions sur les secteurs que j’ai déjà décrits dans mes topos précédents. J’en ai parlé aux locaux et chacun a un avis différent. Si quelqu’un a un avis précis, merci de me le faire savoir !
ZeBloc : Reverses-tu une partie des bénéfices pour le développement local?
Bart Van Raaj : Jusqu’à présent, je ne fais pas de bénéfice sur mes topos. La première édition du « 7+8 » ma même couté beaucoup d’argent, que j’ai partiellement récupéré avec les ventes. Pour la seconde version, j’ai par contre pu me rembourser intégralement. Avec le « 5+6 », j’espère gagner un peu d’argent. Je sais que c’est difficile de s’imaginer le boulot que représente l’écriture d’un topo. En 2011 et 2012, j’ai énormément bossé sur « 5+6 » et, pendant ce temps, je ne bossais pas sur les activités qui me rapportent de l’argent. Je crois que mes topos font beaucoup pour le développement local. Demandez juste aux boutiques qui vendent le topo sur Bleau. Les grimpeurs oublient souvent que le tourisme est très important pour la région. Les grimpeurs qui visitent la forêt donnent de l’argent aux boutiques, aux bars, aux campings, aux gites. Je suis certain que j’ai apporté beaucoup plus d’argent en France que je n’en n’ai ramené à la maison. Les français gagnent plus d’argent avec moi qu’avec la plupart des autres grimpeurs. J’adore dépenser mon argent en France, c’est pour çà que je reviens encore et encore ! J’aimerais aider le développement local encore plus, et j’en appelle à ceux qui ont des idées à me proposer !
ZeBloc : Quels sont les secteurs et les blocs que tu aimes bien et dans lesquels tu aimes retourner?
Bart Van Raaj : Grâce à l’écriture des topos, je visite tous les secteurs. Je préfère les secteurs ombragés à ceux placés au milieu de plaines de sable. Si je veux être tranquille, je grimpe sur des secteurs peu connus. Mais j’aime également voir les autres grimper et je vais donc souvent au Cuvier ! J’aime les blocs de tous les styles, des toits aux dalles. J’aime les blocs à un mouvement autant que les blocs hauts. Je n’aime pas les éliminantes et la plupart des traversées. Mes blocs préférés sont des blocs purs, esthétiques, qui combinent force et technique. J’adore la Bérézina, je l’ai fait plein de fois, et j’espère être encore capable de le faire très longtemps.
ZeBloc : Que penses-tu de la popularité de Bleau?
Bart Van Raaj : Si quelque chose est bien, çà devient populaire. Je suis heureux d’habiter relativement près du meilleur spot de bloc au monde. Je ne peux pas blâmer les autres de l’aimer aussi. Bleau est tellement grand. Si tous les grimpeurs ne se collaient pas les uns aux autres au Cuvier, à Isatis et à la Roche aux Sabots, il n’y aurait pas de souci. J’espère que mes bouquins aident les grimpeurs à se disperser un peu plus, il y a toujours un coin où grimper seul. C’est juste une question de connaissance. Je me demande toujours pourquoi tout le monde veut aller à l’Isatis les grosses journées. Et si ils y vont, pourquoi ne marchent-ils pas jusqu’à la fin du circuit rouge pour grimper dans une forêt tranquille. J’habite près de la plage. Si je veux y être seul, j’y vais un jour calme. Pourquoi y aller un jour de week-end chaud en plein été et se plaindre des autres ?
ZeBloc : Que pensent les grimpeurs hollandais des grimpeurs français?
Bart Van Raaj : Haha, aux Pays-Bas, on dit que le France est un pays merveilleux. Mais que c’est dommage que les français y vivent. Une recherche rapide sur internet montre que les français sont les plus malpolis envers les touristes. A mon avis, les français ne sont pas si différents que çà des hollandais. Il y a des grimpeurs français sympas et d’autres qui me tapent dessus anonymement sur des forums, sans même m’avoir rencontré. Il y a des grimpeurs français qui aiment bien grimper avec moi et d’autres qui pensent que la forêt leur appartient. Il y a des grimpeurs français qui aiment bien faire visiter la forêt aux étrangers, et d’autres qui pensent que les étrangers sont à l’origine de tous les problèmes. J’ai passé tant de temps seul dans la forêt, j’y ai vu tant d’endroits calmes et propres. Bleau n’est pas remplie de touristes et de détritus ! Cà me rend triste que certains grimpeurs ne voient que ce qui va mal et blâment les autres. Dans certains messages sur Bleau.info, je sens beaucoup de frustration. Le monde a changé. Il y a plus de grimpeurs qu’avant. Il faut l’accepter, on ne peut rien y changer. Si tu veux que les autres soient sympa avec toi, soies sympa avec eux. Si tu n’aimes pas mes topos, ne les achète pas. Si tu penses qu’ila auraient dû être fait différemment, parles m’en ou fais en un mieux. Si tu ne sais pas comment t’y prendre, demandes-moi, j’essaierai de t’aider. On ne devrait pas autant s’attacher aux différences. Nous sommes tous des êtres, tous des grimpeurs. Que diraient les grimpeurs hollandais des étrangers si Bleau était aux Pays-Bas ? On le le saura jamais.
Alain a écrit
Jéjé a écrit
zebleaug a écrit
ZeBloc a écrit
Expe Paris a écrit
nous aimerions distribuer vos topos de fontainebleau.
Merci de nous contacter.
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